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Antidote au culte de la performance (d’Olivier Hamant)
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Une fois défini un indicateur à l’aune duquel mesurer le succès d’un dispositif ou d’une entreprise, quelle qu’elle soit, la performance consiste à faire en sorte de maximiser cet indicateur.
Mais la prémisse est très importante : la performance n’a de sens que pour les systèmes simples, monotâches ou monovalents. Dès lors que la complexité s’y mêle, que plusieurs rôles sont simultanément remplis, plusieurs objectifs suivis, considérer qu’il existe un indicateur unique au regard duquel il serait pertinent d’évaluer la performance n’est plus possible, ou du moins devient absurde.
Là n’est pas tout à fait l’angle retenu par Olivier Hamant, qui insiste plutôt sur la contradiction entre recherche de performance et robustesse : pour rendre plus performant, on optimise ; on optimise forcément au regard de l’objectif souhaité, ce qui revient à désoptimiser au regard d’autres objectifs imaginables : que les conditions changent un peu, qu’on ait besoin de réorienter l’action, et l’ex-optimisation deviendra un handicap : la performance n’est pas robuste au changement.
Dans les temps troublés, dans les périodes de bouleversement (plus encore que de réchauffement) climatique, géopolitique, économique, comme celle que nous traversons, la performance est un mauvais cheval : ce ne sont pas des purs sangs spécialisés dans tel ou tel type de course, qu’il faut, mais de braves percherons, ou des Shetlands, capables de changer de terrain de jeu, d’affronter des situations inédites, de tenir bon dans l’adversité et la diversité. Dans ces temps là, la souplesse, l’adaptabilité, la polyvalence valent mieux que la spécialisation et l’optimisation.
Mais il y a plus, au fond, beaucoup plus ; et je reviens ainsi à mon propos premier (premier mais pas unique, justement) : prétendre rendre performant un dispositif, un système, un individu, quoi que ce soit, c’est implicitement considérer qu’il a un objectif, une utilité unique, qu’il a une seule fonction, ce qui est simplement stupide : le vêtement n’est pas seulement fait pour tenir chaud mais pour se donner à voir et mettre en beauté ; nous ne marchons pas seulement pour aller d’un point à un autre mais pour voir des paysages, changer d’air, méditer au rythme de nos pas ; et le marché du village a peut-être moins comme fonction de nous permettre d’accéder à des biens divers que de nous donner l’occasion de croiser la crémière et son joli sourire : imaginer que les choses et les êtres, les projets et les systèmes sont univoques, faits pour ceci ou cela, et que c’est à cette seule aune qu’ils devraient être évalués, c’est faire preuve d’une incompréhension totale et délirante du monde.
Celles et ceux qui ne jurent que par la performance, qui font de celle-ci l’ultima ratio de leur conduite, non seulement se préparent, comme le dit Olivier Hamant, des lendemains désenchantés, mais ne comprennent rien, rien de rien, au monde et à son inépuisable débordement, à son incroyable trop-plein.
Ils passent à côté de tout.
Cet article Antidote au culte de la performance (d’Olivier Hamant) est apparu en premier sur Aldor (le blog).
154 επεισόδια
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Mais la prémisse est très importante : la performance n’a de sens que pour les systèmes simples, monotâches ou monovalents. Dès lors que la complexité s’y mêle, que plusieurs rôles sont simultanément remplis, plusieurs objectifs suivis, considérer qu’il existe un indicateur unique au regard duquel il serait pertinent d’évaluer la performance n’est plus possible, ou du moins devient absurde.
Là n’est pas tout à fait l’angle retenu par Olivier Hamant, qui insiste plutôt sur la contradiction entre recherche de performance et robustesse : pour rendre plus performant, on optimise ; on optimise forcément au regard de l’objectif souhaité, ce qui revient à désoptimiser au regard d’autres objectifs imaginables : que les conditions changent un peu, qu’on ait besoin de réorienter l’action, et l’ex-optimisation deviendra un handicap : la performance n’est pas robuste au changement.
Dans les temps troublés, dans les périodes de bouleversement (plus encore que de réchauffement) climatique, géopolitique, économique, comme celle que nous traversons, la performance est un mauvais cheval : ce ne sont pas des purs sangs spécialisés dans tel ou tel type de course, qu’il faut, mais de braves percherons, ou des Shetlands, capables de changer de terrain de jeu, d’affronter des situations inédites, de tenir bon dans l’adversité et la diversité. Dans ces temps là, la souplesse, l’adaptabilité, la polyvalence valent mieux que la spécialisation et l’optimisation.
Mais il y a plus, au fond, beaucoup plus ; et je reviens ainsi à mon propos premier (premier mais pas unique, justement) : prétendre rendre performant un dispositif, un système, un individu, quoi que ce soit, c’est implicitement considérer qu’il a un objectif, une utilité unique, qu’il a une seule fonction, ce qui est simplement stupide : le vêtement n’est pas seulement fait pour tenir chaud mais pour se donner à voir et mettre en beauté ; nous ne marchons pas seulement pour aller d’un point à un autre mais pour voir des paysages, changer d’air, méditer au rythme de nos pas ; et le marché du village a peut-être moins comme fonction de nous permettre d’accéder à des biens divers que de nous donner l’occasion de croiser la crémière et son joli sourire : imaginer que les choses et les êtres, les projets et les systèmes sont univoques, faits pour ceci ou cela, et que c’est à cette seule aune qu’ils devraient être évalués, c’est faire preuve d’une incompréhension totale et délirante du monde.
Celles et ceux qui ne jurent que par la performance, qui font de celle-ci l’ultima ratio de leur conduite, non seulement se préparent, comme le dit Olivier Hamant, des lendemains désenchantés, mais ne comprennent rien, rien de rien, au monde et à son inépuisable débordement, à son incroyable trop-plein.
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